L'Oiseau Magazine, octobre 2003. Charlotte Clergeau
JEAN
CHEVALLIER
Métier de passion avant tout, celui de peintre-illustrateur requiert, outre la patience du naturaliste, le coup de crayon qui fait beaucoup.
"tombé dedans quand il était petit", Jean Chevallier fait désormais partie des
rares artistes qui sont reconnus dans ce domaine. Certaines de ses oeuvres seront exposées durant le mois d'octobre à La Villette, à Paris.
C' est l'histoire d'un gosse qui aime
la nature. Et, comme beaucoup
de gosses, il dessine. Sauf que
chez lui, "ça tourne plus ou moins
à l'obsession". "Une tare plus
qu'une vocation, c'est une passion
qui vous bouffe la vie"... et tout est
dit Jean Chevallier, dès son plus jeune
âge, croque tout ce qui lui tombe sous
la main : reptiles, amphibiens, insectes,
oiseaux, mammifères, "un peu moins
parce que plus durs à observer".
Originaire de la banlieue parisienne,
issu d'une famille de quatre enfants et
peut-être favorisé par le côté «un peu
scout" de son père, il n'a jamais cessé
de dessiner, ni pendant ses études de
biologie, ni durant les divers petits bou-
lots qu'il exercera par la suite.
C'est en 1986 que les choses sérieuses
commencent, lorsque le Secrétariat
Faune-Flore du Muséum National d'His-
toire Naturelle lui passe commande
d'illustrations : il se lance alors à plein
temps dans sa passion. Pendant deux
ans, le peintre-illustrateur va ainsi réa-
liser une série de dessins sur les cani-
dés, bovinés, félidés, lutrinés... du
monde. C'est aussi l'époque de ses pre-
miers livres "un peu marquants" aux
éditions Lechevalier-Chabaud : Les
oiseaux du massif de Fontainebleau, Les
oiseaux d'Islande ou Faune du Sahara.
Mais pour Jean Chevallier, les illustra-
tions les plus agréables à faire restent
celles qu'on ne lui impose pas, comme
pour "le marais d'Orx" dans la collection
Carnet du littoral, chez Gallimard, "le bouquin le plus libre que j'aie ja-
mais réalisé. On m'avait juste
donné le sujet et je me suis débrouillé". "Promenades naturalistes en
France" et "La nature la nuit " (traduit en
japonais, portugais et espagnol), parus
chez Nathan en 1992, sont également
de bons souvenirs pour le dessinateur.
Parallèlement, les expositions se succè-
dent, notamment lors du colloque fran-
cophone d'ornithologie, auquel Jean
Chevallier participe de 1981 à 1996.
S'il ne refuse pas les sorties en groupe
- il rentre a l'âge de 14 ans dans l'Association parisienne d'ornithologie-, il s'avoue plutôt solitaire. "Je pars sur le terrain avec la longue-vue, les jumelles et le carnet. Si je suis souvent seul lorsque je dessine, c'est surtout une question de disponibilité par rapport à mes compagnons de sortie. Mais il est vrai que le fait d'être seul favorise la concentration et empêche une certaine appréhension du regard des autres. Pour quelques commandes, je recherche l'espèce mais plus souvent, il s'agit d'opportunités, de rencontres inopinées. Je fais aussi des paysages, c'est assez courant... L'image globale, la bestiole en situation, c'est d'ailleurs ce que je préfère." L'un des ses plus beaux souvenirs ? Sa première hermine blanche. "Certains animaux sont difficiles à rencontrer. L'émotion, c'est la rareté de l'instant." Un sentiment qui n'aide pas toujours à la concentration : "II arrive qu'on pense plus a ce que va faire l'animal qu'au dessin. Mais c'est une question d'habitude. Pour mes images personnelles, j'essaie de retranscrire uniquement la vision fugitive que j'ai eue, la nature m'apportant assez d'émotion pour ne pas rien ajouter à l'image. Malgré tout, je suis régulièrement déçu, la réalité étant toujours plus belle que mes oeuvres." Des "maîtres", Jean Chevallier s'en reconnaît quelques-uns : Robert Hainard, Léo-Paul Robert, les Suédois Gunnar Brusewitz et Lars Jonsson, l'école impressionniste en général et Monet en particulier. S'il aime travailler à l'aquarelle et au pastel sec, il réserve la première technique aux travaux d'illustration précis, privilégiant le pastel pour les images de terrain. L'illustrateur exerce son métier avec passion, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide : "II n'y a pas toujours beaucoup de boulot mais pour ma part, je gagne correctement ma vie. Pas mal d'illustrateurs font un peu d'animalier mais on doit être une vingtaine seulement à ne faire que ça".
Prochains objectifs ? Le festival du film de Ménigoute, les 20 ans de La Salamandre, une revue suisse francophone et une exposition en solo dans le Perche, au printemps 2004, avec le Parc naturel régional. Egalement au programme, la présentation des aquarelles et pastels réalisés pour les albums de la collection Oiseaux du bord de mer, aux Editions Hesse, à La Villette, du 1er octobre au 5 novembre (lire encadré). Pas de quoi s'ennuyer pour Jean Chevallier... d'autant qu'il quittera bientôt son appartement de Fresnes pour la forêt plus accueillante de Rambouillet.
CHARLOTTE CLERGEAU
L’oiseau-magazine oct03